Deuxième Voyage de Roussette, part. 2

[partie précédente: Saint-Ninian, Mousseray]

Roussette jeta sa sacoche contre un muret de pierres sèches, contre lequel elle s'adossa.

L'écureuil reprit son souffle, puis, une fois calmée, elle se releva vivement et plissa les yeux pour observer l'horizon plat et poussiéreux qui s'offrait à elle. Un mouvement sur la droite attira son regard, mais elle prit bien garde de ne pas faire le moindre mouvement qui aurait pu la trahir; cependant ses yeux se fixèrent sur l'ondulation qui agitait le sable à une dizaine de mètres. Empoignant son bâton un peu plus fermement, la jeune guerrière fit mine de s'éloigner. Dès qu'elle entendit un bruit derrière elle, l'écureuil pivota et courut abbattre son bâton sur la "chose" mouvante qui s'était emparée de sa sacoche. Aussitôt, des cris furent poussés, et un étrange animal, une sorte de chien de prairie, sembla jaillir de la bosse en jappant comme un malheureux.

Roussette l'empoigna par le pelage:

-Tu me comprends?

L'autre fit signe que oui.

-Si toi ou un autre de tes amis s'approche encore une fois de mes affaires, je le transperce de part en part et je le grille pour mon souper. Est-ce clair? lui cria l'écureuil en pleine face.

L'animal commença à s'agiter en poussant de petits cris. Une fois assurée qu'il avait compris, la guerrière le relâcha et le regarda partir en courant vers le lointain.

*Pfff...trois jours qu'ils me suivaient, ceux-là. Raz-le-bol, à la fin!*grommela-t-elle intérieurement.

Puis elle alla droit au puits qu'elle avait repéré lors de son passage précédent, et elle établit son campement pour la nuit. Tandis que le soleil faisait s'allonger à l'infini les rares ombres qui découpaient la plaine, l'écureuil s'assit et grignotta en pensant aux deux saisons qui venaient de passer, au voyage avec l'Ugmurus sur les rapides, aux escarmouches avec les crapauds, aux couchers de soleil sur la neige fraîche exempte de traces, au vent froid, au chaleureux accueuil d'une famille de taupes ("Même si les taupes et les écurrreuils, on pourrrions ben crroairrre qu'c'est point fait pourr s'entendrre, vu qu'les écurreuils ça aime le vide, et qu'les taupes prréférrions ben la terrre au vide", comme l'avait si justement fait remarquer le père de famille), et aux longues marches sans personne mais pas complètement seule...

Bientôt la guerrière s'endormit, non sans rester toujours aux aguets.