La fin de Kulnarg

Martin et ceux qui l'accompagnaient avaient été rejoint par les lièvres de Vivelame, mais celle-ci n'était pas avec eux.
*Qu'a-t-elle fait? s'inquiéta Martin*. Son coeur fit un bond en arrière, il espérait qu'il se trompait, qu'elle avait simplement été blessée et qu'elle tait à l'abbaye en train de se remplir joyeusement la panse, mais comment en être sûr? Il préféra ne plus y penser pour le moment, d'autant plus que la rivière Moussi entra dans son champ de vision. Kulnarg avait déjà commencé à passer sur le gué, mais le pire était qu'un peit campement de vermines se trouvait sur l'autre rive. Et les vermines qui s'y trouvaient avait sorti leurs armes.
*Kulnarg avait prévu sa fuite!*

Les poursuivants de Kulnarg accélérèrent le pas, pour essayer de rattraper le renard avant qu'il soit de l'autre côté. Martin s'engagea en premier sur le passage, qui, très étroit, ne pouvait pas laisser deux personnes marcher côte à côte, d'autant plus que le moindre faux pas vous faisait tomber dans une eau assez profonde pour y abriter des brochets.
Martin allait porter un coup d'épée à Kulnarg lorsque celui-ci dégaina son trident et dévia l'épée. Martin revint immédiatement à l'assaut et ils commencèrent à se battre. Aucun des deux camps ne pouvaient venir secourir l'un des deux combattants, car s'avancer sur le gué revenait à se faire immédiatement transpercer par une épée ou un trident.

Kulnarg porta quelques coups bas à Martin qui les évita avec agilité. Martin à son tour enchaîna une suite de coups qui obligèrent Kulnarg à prendre appui sur son trident pour ne pas perdre l'équilibre. Kulnarg reprit son équilibre, et, au moment où Martin allait lui faire lâcher son trident, le renard utilisa sa botte secrète: il utilisa le manche tranchant de son trident comme une épée. Mais Martin avait pu observer Kulnarg au combat, et il se doutait que le renard avait quelque chose de particulier dans son arme. La souris réagit au quart de tour et sauta en arrière pour éviter le coup. Une des dents du trident le blessa au ventre, et Martin perdit l'équilibre et tomba sur le dos. Kulnarg leva son trident pour porter le coup de grâce lorsqu'un énorme brochet jaillit de l'eau avoisinante, et, traçant une trajectoire courbe qui passait par-dessus le gué, attrapa le trident avec sa gueule. Kulnarg lâcha tout de suite l'arme, mais la queue du brochet le frappa en plein visage et il tomba dans l'eau.
Immédiatement, une myriade de brochets affluèrent, et l'eau se teinta de rouge.

Kulnarg le Sournois était mort.

Il y eut un silence, seulement troublé par les bruits de l'eau et les grognements de brochets. Les vermines qui se tenaient de l'autre côté du gué foncèrent alors sur les guerriers de Rougemuraille, qui, eux aussi, coururent vers leurs ennemis. Chaque camp croyaient que les brochets, qui ne tuaient que pour se nourrir, n'allaient plus leur poser de problème.
- Rouuuuuugemuraaaaaaaaaaaaaaaille!
- Iiooouuuuulaliiiiiiiiiiiie!
- Par le sang et le vinaaaaaaaaaaaaaaigre!
- Duguduguduguduguduuuuuuuuuuuuuuule!

Or, il se trouvait que les brochets qui se trouvaient là étaient les survivants de ceux que Kulnarg avait tués en entrant dans la contrée de Mousseray. Et ils pensaient que tous les combattants qui se battaient en surface étaient des alliés du renard. Ils n'étaient donc pas animés par la faim, mais par un désir de vengeance.
Une incroyable bataille se fit alors. Les défenseurs de Mousseray se battaient contre les vermines de Kulnarg, et chacun des deux camps devaient faire face à tous les brochets. Dugudule était en train de se battre contre une vermine lorsque celle-ci avait été emportée par un brochet, permettant à Dugudule de se défendre contre un brochet, puis contre une autre vermine.
Les combattants de Rougemuraille essayaient de ne pas tuer les brochets, mais juste de les blesser, pour qu'il ne puissent plus attaquer.
Les vermines, elles, tuaient le plus possibles de poissons, en pensant que ceux-ci, pris de peur, attaqueraient plutôt les défenseurs de Rougemuraille, qui eux leur laissaient la vie sauve.

Pourtant cette action eut l'effet contraire de celui prévu. Plus des brochets mourraient, plus les autres attaquaient ceux qui les avaient tué, par désir de vengeance, et bientôt les vermines de Kulnarg étaient entourées par presque tous les brochets.
En ajoutant à cela les combattants de Rougemuraille, les vermines ne faisaient plus le poids. Et bientôt il n'en resta plus qu'une. Sans doute devint elle folle, car en voyant qu'elle était la dernière elle plongea dans l'eau...droit sur un brochet.
La bataille était finie. Les défenseurs de Mousseray sortirent de l'eau. Dugudule, Martin et trois lièvres avaient été blessés, et un lièvre, ainsi que Trépin, la musaraigne, étaient morts. Immédiatement, on confectionna des civières, afin de ramener les corps à l'abbaye.
*Même mort, Kulnarg aura encore fait des victimes, pensa Martin.*
Le souvenir de Vivelame lui revint à l'esprit. A nouveau, il fut prit d'une inquiétude terrible. Une fois à Rougemuraille, il saurait.

Les guerriers de Mousseray, dans le silence, reprirent la route afin de rejoindre l'abbaye.