- Bon sang de vermine!
Les étincelles rougoyantes jaillissaient du métal à vif, tourbillonant dans l'air en vrilles insensées, roussissant le poil de Biso le Héros. Le seigneur blaireau s'était levé se matin de fort mauvaise humeur: son soldat le plus riant, le nouvellement promu sergent-instructeur Vivelame Fleurmortelle avait manqué à l'appel. D'habitude, c'était elle qui montait lever Biso. Après avoir interrogé quelque lièvres, il avait appris qu'elle recherchait activement deux chenapans qui avaient manqué ses cours. Ils devaient sûrement se cacher au fond de la vieille montagne.
Biso, après avoir plus que copieusement déjeuné, était descendu à la forge de son pas pesant, avait revêtu le tablier et les gants de cuir épais, choisi une magnfique plaque de fer, et après avoir allumé un feu puissant, l'avait plongé dans la cheminée. Le fer était rouge, et Biso le martelait sauvagement, entre deux passages au feu. D'une patte, il actionnait l'énorme soufflet de la forge, et de l'autre martelait une lourde cadence de guerre sur le sol. Il en allait toujours ainsi, le chant, le métal et le feu induisaient parfois une certaine transe et permettant aux seigneurs blaireaux de fabriquer des armes d'exception. La plaque de fer informe était devenue un magnique bouclier. Biso saisit le charbon, le frotta contre la surface brûlante et plonga le tout dans la barrique d'eau glacée placée à sa gauche. Lorsqu'il le ressortit de l'eau, il le posa sur l'enclume et se saisit de ses outils pour ciseler l'acier finement. Il projetait d'en faire un cadeau pour Martin, qu'il comptait visiter à Rougemuraille. Cela faisait bien trop longtemps qu'il ne l'avait plus vu... et qu'il n'avait plus gouté la bonne chère de Rougemuraille.
* Il faut bien, d'ailleurs, que je prenne des nouvelles des lièvres que j'ai envoyé là-bas.*
A cet instant, quelqu'un toqua à la porte.